L’Asbl Dialogues est très heureuse de soutenir la photographie congolaise et de « déconfiner » l’art en accueillant bientôt dans notre galerie « MÉTAMORPHOSES » l’exposition du photographe Alain Nsenga.
Photographe et graphiste né à Likasi dans l’ancien Katanga, Alain Nsenga explore, par son travail, les scènes de la vie quotidienne et leur signification profonde. Par le prisme de la caméra, il remet en question les réalités du quotidien pour provoquer, bousculer, interpeller sur les questions de la société congolaise aujourd’hui.
La série de photographies du photographe « Métamorphose », réalisée à Lubumbashi dans la province du Haut-Katanga, porte une interrogation et une remise en cause de certains canons esthétiques imposés par la société, des dictats auxquels se soumet une partie des femmes lushoises.
Dans ce monde où l’on pense toujours qu’être blanc, avoir le teint clair ou encore une coiffure lisse est la clé du paradis, le mot « métamorphose » est apparu au photographe comme une évidence.
Alain Nsenga explique: « la série Métamorphose qui aborde la question des publicités sur bâches, les façades murales et les intérieurs des salons de coiffure, mais également les réflexions optiques entre ombre et lumière, me permet de questionner la société à laquelle j’appartiens et de voir à quel point une individualité peut être influencée par le regard de l’autre ».
Compte tenu des conditions de travail exceptionnelles liées à la situation sanitaire que traverse notre pays, nous vous proposons des contenus digitaux de cette exposition que vous pourrez découvrir par ailleurs à l’ASBL Dialogues, sur rendez-vous, par petits groupes de cinq personnes, de manière à ce que nous respections ensemble les consignes sanitaires mises en place pour se prévenir de la Covid-19.
Nous nous réjouissons de vous revoir bientôt.
#Restez prudents.
Lorsque je marche dans les rues de Lubumbashi, je suis frappé par la quantité d’images publicitaires souvent utilisées comme icônes de beauté pour la femme. Ces images, très en contradiction avec la nature de la population locale, m’ont poussé à questionner l’influence qu’elles peuvent avoir sur la population qu’elles ciblent.
Je donc commencé à photographier dans les rues les femmes qui se projettent dans ces images gigantesques. J’ai vu par la suite que les mêmes modèles ont été souvent utilisés par les peintres locaux pour mettre en valeur les façades murales des salons de coiffure. Sur ces façades, les peintures sont accompagnées d’une liste de proposition de coiffures disponibles, mais encore une fois, la liste proposée est en contradiction avec le type des cheveux de la clientèle africaine. J’ai photographié les façades, les intérieurs des salons de coiffure et j’ai organisé des rencontres avec les femmes, les coiffeuses pour discuter sur la question, et mieux comprendre.
Lubumbashi, aussi appelée capitale du cuivre, est une ville située au sud de la République démocratique du Congo et le chef-lieu de la province du Haut-Katanga. Fondée en 1910 par les Belges sous le nom d’Élisabethville ou Elisabethstad (d’après Élisabeth de Bavière, devenue reine des Belges), souvent abrégée en « E’ville », la ville fut renommée Lubumbashi en 1965. À l’occasion de la politique et philosophie de retour à l’authenticité prônée par le président Mobutu, la ville est rebaptisée Lubumbashi à partir de 1966.
Cette ville, créée avec l’influence de la culture européenne sur un territoire Africain pose beaucoup des questions sur le regard culturel et identitaire. Il est donc important pour moi, étant photographe, de me lancer dans une démarche de remise en question des valeurs morales et culturelles héritées durant notre formation.
Avant de prendre la photo, je rencontre individuellement les modèles, nous avons plusieurs moments d’échanges et parfois il faut faire preuve de patience, attendre deux mois le temps d’organiser un rendez-vous chez le coiffeur. Voir les cheveux naturels d’une femme à Lubumbashi, c’est une chose très rare même chez les personnes mariées.
Les cheveux crépus est mal perçu en société, la femme utilise soit le foulard, soit les extensions ou des défrisants pour sortir dans les rues en toute confiance, je veux dire en assumer leur image. J’ai donc choisi de photographier ces femmes dans leur moment de faiblesse et dans un cadre beaucoup plus intimiste en gardant l’ombre comme une réflexion intérieure – extérieure. Pour moi, la série Métamorphose qui aborde la question des publicités sur bâches, les façades murales et les intérieurs des salons de coiffure, mais également les réflexions optiques entre ombre et lumière, me permettent de questionner la société à laquelle j’appartiens et de voir à quel point une individualité peut être influencée par le regard de l’autre.
Alain NSENGA